le modèle de la maison individuelle est‑il en train de se fissurer ?

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Une liste de griefs contre la maison individuelle

Flash‑back. Souvenez‑vous, nous sommes en octobre 2021. Emmanuelle Wargon, alors ministre du Logement, lance un pavé dans la mare. En déclarant que le pavillon avec jardin constituait « un non‑sens écologique, économique et social », elle déclenche l’ire des constructeurs de maisons individuelles. Difficile de s’attaquer frontalement au Graal d’une grande partie des Français et des Françaises, en particulier en pleine crise sanitaire. Après plusieurs confinements qui ont entamé leur qualité de vie, nombreux sont ceux qui rêvent d’espace, de confort, de surface de terrain supplémentaire, d’un jardin, d’une terrasse, d’une piscine… en caressant le projet de quitter des logements collectifs, un type d’habitation devenu trop exigu à leur goût. Il n’en fallait pas plus pour lancer le débat autour de l’impact sur l’environnement de ce modèle cher aux ménages. 

En France, le secteur du bâtiment représente 44 % de la consommation d’énergie, et près de 25 % des émissions de CO2. Sur le sujet de l’environnement, plusieurs éléments ne plaident pas en faveur de la maison individuelle. En matière de consommation énergétique, les travaux réalisés pour un habitat collectif sont bien plus écoresponsables que la construction d’une maison individuelle. Construire un immeuble permet de faire des économies d’échelle : après un seul et même chantier, on logera plusieurs familles. De plus, le logement individuel va bien souvent de pair avec un éloignement du centre‑ville. La conséquence : un recours plus important à la voiture, alors que l’immeuble est généralement desservi par les transports en commun. 

Par ailleurs, le développement de zones pavillonnaires en périphérie des villes implique la création d’infrastructures supplémentaires : routes, parkings, réseaux divers (eau, électricité, fibre optique, etc.). La conséquence de cet étalement urbain ? Cela se fait au détriment des espaces naturels et de la biodiversité. Pour leurs détracteurs et détractrices, les maisons individuelles participent à l’artificialisation des sols. On parle d’artificialisation des sols lorsque les activités humaines grappillent des zones naturelles. C’est‑à‑dire tout ce que les défenseurs de l’environnement veulent éviter.

Les Français loin de renoncer à la maison individuelle

Malgré ces griefs, l’habitation individuelle garde toute son aura auprès des ménages. La moitié des logements en France sont ainsi déjà des logements individuels. Et selon la Fédération française du bâtiment, entre le premier semestre 2019 et le premier semestre 2021, les ventes de maisons neuves ont progressé de 16,3 %, et les délivrances de permis de construire ont augmenté de 18,3 %. 

Dans son bilan de décembre 2021, le Conseil supérieur du notariat dresse un constat sans appel. Lorsque les Français et les Françaises ont déménagé ou ont un projet en ce sens après la crise sanitaire, c’est au profit d'une maison individuelle : à 67 % pour avoir un extérieur (en particulier un jardin) ; à 67 % pour avoir un logement plus grand ; à 60 % pour être dans une zone moins densément peuplée. Quant aux transactions concernant les maisons individuelles, elles se situent à un niveau historique : « l’année 2021 devrait ainsi se terminer autour d’environ 1,15 million de transactions, soit 1,5 million de plus qu’en 2019 », prévoyaient alors les Notaires de France.  

 

Les ménages prêts à des compromis

Loin de renoncer au modèle immobilier de la maison individuelle, les Françaises et les Français seraient, dans une certaine mesure, prêts à faire évoluer leur choix pour être davantage en phase avec l’enjeu écologique actuel. C’est ce que nous enseigne un sondage publié en janvier 2022 par l’IFOP et la Fédération française des constructeurs. 

Parmi les personnes ayant un projet de construction de maison, 71 % seraient prêtes à faire des concessions sur la surface du terrain pour réduire l'impact sur l'environnement et la biodiversité. En revanche, elles ne seraient que 50 % à accepter de vivre dans une maison mitoyenne. Moins d’espace, certes, mais moins de promiscuité aussi !

Par ailleurs, les ménages n'ont pas forcément conscience de l'impact de ce type d’habitat sur l'environnement. Selon les chiffres de l’IFOP, seuls 52 % des Français ont le sentiment que la vie en maison individuelle a des répercussions sur l’environnement et la biodiversité. In fine, ils ne sont que 14 % à en percevoir les conséquences négatives. 

 

Des pistes pour réduire l’impact écologique de la maison individuelle

Si la maison individuelle ne semble pas près d’être sacrifiée sur l’autel des enjeux écologiques et climatiques, des pistes se dessinent pour en réduire l’impact.

La Fédération française des constructeurs de maisons individuelles l’assure : « d'un point de vue écologique, pour réduire par deux l’artificialisation des sols d’ici 2030, la FFC rappelle que les constructeurs sont capables de construire sur des terrains plus réduits ». Dans un article du Figarode février 2022, son président Damien Hereng indique même que « continuer à construire sur des parcelles de 1 500 m² serait une hérésie ». 

Par ailleurs, l’entrée en vigueur d’une nouvelle norme de construction, RE2020, devrait faire évoluer les choses. Celle‑ci s’applique aux permis de construire des maisons individuelles et des logements collectifs déposés depuis le 1er janvier 2022. Elle introduit de nombreuses obligations en matière de construction afin de rendre les logements plus écoresponsables : mode de chauffage et d’énergie, exposition, isolation, utilisation de matériaux biosourcés (notamment le bois)…

L’architecte Mathis Rager, co‑auteur de l’ouvrage Le Tour de France des maisons écologiques(éditions Alternatives, 2020) va plus loin : « la maison la plus écologique, c’est la maison que l’on ne fait pas ! ». En d’autres termes, la rénovation est un projet immobilier à l’empreinte carbone plus limitée. Elle mobilise largement moins d’énergie et de matériaux que la construction. 

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